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Conseillé par Librairie Ravy (Libraire)8 décembre 2021
Jeanne vient de trouver un emploi dans le nouveau lieu culturel à la mode à Paris, situé dans une ancienne tannerie réhabilitée en tiers-lieu.
Pleine d'enthousiasme, elle espère beaucoup de cette nouvelle vie qui s'ouvre à elle. Mais derrière cette belle façade, qu'y a t-il vraiment?
Valérie -
Conseillé par Librairie N. (Libraire)30 octobre 2020
L'Education sentimentale au féminin à l'époque de Nuit Debout et de la précarité généralisée.
Jeanne, jeune femme fraîchement débarquée à Paris depuis sa Bretagne natale, est embauchée en CDD à La Tannerie, ancienne friche industrielle aux portes de la capitale reconvertie en "tiers-lieu". Dire qu'elle se sent en décalage serait un euphémisme. Ne disposant pas du même capital culturel et social que ses nouveaux collègues, elle va devoir se métamorphoser pour s'intégrer dans un univers brutal, qui derrière ses slogans chocs, qu'au fond personne ne comprend ni ne questionne (le lien c'est le lieu, l'art c'est organique), paraît très vite au lecteur moins "cool" et progressiste que revendiqué. Il apparaît en réalité semblable à une machine à broyer les individus et leurs aspirations et ce avec leur assentiment. On y hésite d'ailleurs pas à relativiser le sort de ces jeunes hommes et femmes en contrat précaire en le comparant à celui des réfugiés campant au bord du canal riverain, suggérant au passage que ces derniers seraient ravis de prendre leur place.
Les lectrices et lecteurs ne manqueront pas de penser à L'Education Sentimentale et à Illusions Perdues (au féminin) devant l'écriture dense, élégante et racée de Celia Levi. Elle signe en cette rentrée un roman majeur sur une génération en perdition, qui ne semble plus réfléchir et s'investir dans l'action publique que pour prendre la pose et se divertir. Les tourments intérieurs, les déconvenues professionnelles et sentimentales de Jeanne, magnifiquement décrits, signent un portrait attachant au-delà de l'ironie douce-amère qui traverse ce texte, chargeant une certaine hypocrisie et un désenchantement propre à notre époque. Magistral.Martin
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Conseillé par Mémoire 7 Littérature -. (Libraire)29 septembre 2020
Du Maupassant à l'heure des précaires du monde de la culture et des militants de nuit debout... Vibrant ! - Guillaume -
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Conseillé par Sophie G. (Libraire)3 septembre 2020
Déjà un classique !
Dans la grande tradition du roman naturaliste, ce roman surprenant de justesse suit au plus près le parcours d'une jeune fille ordinaire au sein d'une institution culturelle pleine de promesses...
Un portrait saisissant d'une époque et d'une génération et plus largement de nos espoirs, nos croyances et nos limites...
Déjà un classique ! -
Conseillé par La Librairie Des Halles .. (Libraire)27 août 2020
Les débuts dans la vie de Jeanne, jeune provinciale "montée" à Paris pour travailler à La Tannerie, vaste centre culturel. Dans ce cadre, elle va faire l'expérience de l'amitié, de la solidarité, de la duplicité et du désenchantement. Roman social et roman d'apprentissage, La Tannerie brosse le portrait d'un milieu, de ses postures et de ses impostures aux prises avec le libéralisme économique. Dans la veine d'un Zola ou d'un Flaubert, une fresque naturaliste et mélancolique.
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Conseillé par Grégoire C. (Libraire)11 août 2020
Bouillon de culture
A quelques stations de métro de Paris, au bord du canal de l'Ourcq, la Tannerie accueille artistes, circassiens, danseurs, dans une friche industrielle réhabilitée en centre d'art. C'est là que Jeanne débarque, perdue pour son premier jour de travail, dans une scène d'ouverture très réussie, où le lecteur, lui-aussi, se débat, au milieu de tous ces nouveaux visages, de ces noms, de ces lieux étrangers.
Aux côtés de la jeune bretonne venue découvrir la capitale, on progresse à tâtons. Comme elle, on cherche à savoir qui est digne de confiance, qui pourrait être un ami.
Célia Lévi réussit ici une peinture sociale d'une extrême précision. De cet univers culturel parisien où se croisent artistes perdus dans leur génie, personnel administratif fantomatique, salariés dépressifs et public inconscient, l'autrice décrit les moindres détails, vêtements, coiffures, odeurs. Le soin apporté à la consistance du réel est époustouflant et le roman s'en trouve traversé par un souffle naturaliste digne de la littérature du XIXe siècle.
Les premiers lecteurs ne s'y sont pas trompés en comparant ce livre à Au bonheur des dames et aux autres microcosmes zoliens, mais on pense aussi souvent à l'Education sentimentale en se prenant d'affection pour Jeanne, avec ses espoirs qui la portent et les mirages qui dansent devant elle. Le motif du jeune provincial montant à Paris et se fracassant contre la morgue d'un système pédant et vain est brillamment revisité, transposé en ce début de XXIe siècle, comme si rien ne changeait jamais.
Mais la Tannerie va plus loin et le livre prend vite une ampleur qui dépasse le témoignage social. En mettant en regard le quotidien dégoulinant de coolitude, les envolées humanistes d'un côté et la violence de la gestion des ressources humaines de l'autre, le livre se fait aussi allégorie de l'époque, où les belles théories du management ont imprégné l'inconscient des dirigeants, y compris dans l'industrie culturelle. Là où la Tannerie n'a rien à voir avec les romans de Zola, c'est qu'au XIXe siècle, les patrons exploitaient leurs salariés de la même manière, certes, mais ils ne leur faisaient pas croire qu'ils étaient leurs copains. Ici, le panier de crabes est tout sourire et affiche fièrement ses convictions de gauche.
La Tannerie est donc aussi un livre sur cette distance qui sépare de plus en plus les discours des actes, dans le monde culturel, et plus largement. Cet enjeu est parfaitement représenté dans le livre par une scène bouleversante, où le personnel de la Tannerie s'émeut du sort de migrants qui campent le long du canal. De pétitions en recherche d'aide alimentaire, les belles paroles bruissent dans les allées. Et puis le campement s'étend, et s'éternise. Et puis les tentes se rapprochent, et menacent de faire fuir le public. Et puis on se lasse de la lutte. Et puis on passe à autre chose, et peu de temps avant que la police ne vienne expulser tout le monde, on voit les spectateurs enjamber les réfugiés allongés sur le quai. C'est qu'on ne voudrait pas être en retard au spectacle.
L'intelligence du livre, c'est nous montrer cela et aussi nous mettre, nous, lecteurs bien éduqués, bien cultivés, face à la responsabilité de notre époque. Nous aurions pu être ces spectateurs. Et en route vers le théâtre, aurions-nous agi différemment ? Pas sûr.