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Les Oubliés
EAN13
9782374912516
Éditeur
Quidam
Date de publication
Collection
Made in Europe
Langue
français
Langue d'origine
grec moderne (après 1453)
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Les Oubliés

Quidam

Made in Europe

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C’est un avatar paradoxal des Vies parallèles de Plutarque que Thanassis
Hatzopoulos offre à ses lecteurs avec ce dyptique qui juxtapose deux récits
consacrés à des personnages - une femme et un homme - réunis non plus par la
célébrité, mais par l’obscurité de leur destinée. Leur marginalité n’est pas
celle qui intéresse aujourd’hui les médias et l’opinion publique et qui
autoriserait à les ranger dans une « minorité » socialement désavantagée. Ils
mènent une existence qui n’est pas seulement à l’écart de la vie sociale, mais
qui souffre aussi et surtout d’un déni de considération. Ils sont, en ce sens,
doublement oubliés. Ces deux personnages qui se font écho sont, pour l’une,
Annio, une enfant, puis une jeune femme atteinte d’une légère déficience
mentale, et pour l’autre, Argyris, un jeune homme épileptique. Ils sont voués
de ce fait à vivoter dans une petite ville de province où le regard des autres
fait d’eux des individus « qui ne comptent pas ». Annio, jugée incapable d’une
vie autonome, vit sous la tutelle de sa mère, puis de celle, plus lointaine,
de son frère, entourée de l’amitié condescendante de voisines et cantonnée,
sous prétexte de son infirmité, dans une forme d’insignifiance. Argyris, qui
lui aussi vit d’abord dans le foyer et la dépendance d’une sœur avant de se
retirer seul et oublié dans une maison voisine où il finira par mourir de
froid, est employé comme coursier dans une pharmacie où il passe l’essentiel
de ses jours assis sur une chaise placée près de l’entrée, que les clients
franchissent sans trop le remarquer. Pourtant, tous deux trouvent, à leur
mesure, à dépasser cette relégation dans laquelle on les a enfermés et à
perpétuer, en même temps, leur marginalité en se réfugiant dans un domaine qui
leur est propre et qui échappe aux canons utilitaristes de la société. Annio
commence par entasser des objets ramenés d’un vallon qui sert de décharge
publique et finit par s’y installer en se construisant un abri avec certains
de ces rebuts ; elle y trouve la mort, noyée par un violent orage qui dévale
dans le vallon et l’emporte. Argyris interprète des airs en soufflant sur deux
feuilles placées devant ses lèvres, ce qui lui vaut de se faire apprécier pour
ce talent hors norme, et il sert aussi d’humble auxiliaire auprès du prêtre
pour les enterrements, une fonction subalterne annonciatrice de sa fin qui,
comme celle d’Annio, est un ensevelissement définitif dans l’oubli :« C’est
donc comme une pierre qu’on l’ensevelit le jour de ses obsèques (…). Plus
personne ne parla de lui. Une pierre dans un gigantesque éboulis.» L’auteur
parvient, à partir d’un récit circonstancié et distancié, d’une écriture
précise et concise, d’une approche presque clinique fondée sur la simple
notation de faits et gestes, à nous introduire dans l’étrangeté du monde
intérieur de ses personnages et à susciter avec une économie de moyens
remarquables l’empathie pour des personnages suivis pas à pas jusqu’à leur
mort. Un paradoxe implicite parcourt tout le livre : ces « oubliés » au destin
apparemment sans relief, mais qui incarnent ce que la société refuse de voir,
sont des figures d’une humanité inexplorée qui tranche avec la fade normalité
de leur entourage et qui condense le tragique de l’existence.Dans son passage
à la prose, l’auteur reste fidèle à son écriture de poète créateur de sens et
d’émotion par une sobriété et une densité de l’expression qui se tient
éloignée de tout pathos et de tout message explicite. Thanassis Hatzopoulos,
pédopsychiatre et psychanalyste, est reconnu comme un des poètes contemporains
les plus importants de son pays. Certains de ses recueils ont été traduits
dans une dizaine de langues. Parmi les traductions françaises on peut citer
particulièrement les recueils Cellule (éditions Cheyne), qui a reçu en 2013 le
prix Max Jacob étranger, et Complexes et germains (éditions La rumeur libre).
Il est également auteur de deux essais de poétique et traducteur de plusieurs
écrivains français de premier plan (Chateaubriand, Claudel, Pierre-Jean Jouve,
René Char, Cioran, Michel Tournier, André du Bouchet, Yves Bonnefoy). Cette
fonction de « passeur » vers le grec de la littérature, et en particulier de
la poésie en langue française lui a valu d’être nommé en 2014 chevalier dans
l’ordre des Arts et des Lettres. Il dirige également chez un éditeur athénien
une collection d’ouvrages de psychanalyse dont certains (Winnicott, Hanna
Segal, Otto Rank) ont été traduits de l’anglais par ses soins. Avec Les
Oubliés, Thanassis Hatzopoulos a publié en 2014 son premier livre en prose,
dont l’originalité a été unanimement saluée par la critique grecque. Il vient
de faire paraître en 2020, comme en écho à ces Oubliés, un recueil de 21
courts récits intitulé Présent historique, consacré une nouvelle fois à des
destinées d’« invisibles », des vies brisées et rejetées dans l’obscurité par
une mort inattendue. Ces textes se caractérisent par une écriture concise et
dépouillée qui restitue avec une émotion contenue le caractère éphémère
d’existences brutalement interrompues.
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