Ouvrir un « Lot 49 », insigne collection du Cherche Midi, est une promesse jamais bafouée : celle d’entrer dans « un laboratoire (…) où chaque livre tente d’inventer sa propre forme, de faire délirer la narration » (Claro). Celui-ci, retoqué par 88 agents et éditeurs avant de se faire remarquer comme l’un des grands romans américains de la décennie, ne déroge pas à la règle.
C’est un monde entier : celui de Casi, brillant avocat new-yorkais englué dans le marasme sans fond de la justice américaine. Qui va entièrement se déliter en même temps que lui est proposé le crime parfait. Voilà Une singularité nue, monstre magnétique de Sergio De La Pava, premier roman iconoclaste habité de toute une galaxie de personnages psychotiques et de circonvolutions surdouées. Où l’on juge expéditivement, devise magistralement, boxe radieusement, vrille allégrement.
Une prose prodigieuse et féroce dans la droite lignée d’un David Foster Wallace et d’un Thomas Pynchon, un beau Pava dans la mare de la littérature normée.
Clémentine Beauvais revisite "Eugène Onéguine" de Pouchkine avec fougue et génie. Si elle change le contexte, en situant son roman de nos jours à Paris, elle garde la forme, en nous livrant un texte en vers. L'exercice est réussi avec brio et nous prouve que les histoires d'amour traversent les siècles.
Lire en vers n'a jamais été aussi jubilatoire et moderne !
Aude.
Tatiana+Eugène = une époustouflante claque littéraire !
Hugo.
Toute conquête est-elle une défaite ? Voilà la question de ce roman virtuose & exigeant, à travers l'histoire de cet agent français, las, parti pour une dernière mission. En contrepoint, les grandes chutes de l'Histoire, depuis celle d'Hannibal jusqu'à celle d'Haïlé Sélassié : la folie d'hier éclaire celle d'aujourd'hui.
Gaudé nous interroge, complexe, ambitieux, grandiose.
Suivons-le.
Hugo
L'un de mes auteurs espagnols préférés nous livre un roman à la frontière du document, un parallèle très réussi entre deux histoires : celle du tueur de Martin Luther King et celle de l'auteur et des désirs d'écrire !
Une superbe écriture et un univers solide permettent l'élaboration de ce roman.
Lucie.
Dédale dément
Avec le Jardin des sept crépuscules, le Catalan Miquel de Palol nous irradie d’une pure folie architectonique. Une myriade de romans peuplent ce monument paru en 1989 et pour la première fois publié en France. Merci Zulma.
Un verre de cognac à la main, vous voilà confortablement installé dans un fastueux salon. Entouré des puissants de ce monde, vous êtes à l’abri dans un château recelant une foule de mystères. Dehors, c’est la guerre nucléaire. Il ne vous reste qu’à écouter les histoires de ces hommes pour entrer au sein du Jardin des sept crépuscules, cet immense coup de folie romanesque.
En 2013, Phrixos le fou (Zulma), puis A bord du Googol un an plus tard, nous donnaient à lire les cinq premières des sept journées passées en compagnie de cette communauté sibylline. S’y déployait déjà un labyrinthe déroutant de récits, qui nous attirait imperceptiblement vers l’intrigue centrale, celle par laquelle l’apocalypse arriva : l’histoire de la toute puissante banque Mir, en proie à une lutte de succession sans pitié, et de l’inestimable pierre précieuse qu’elle protège. Tapi dans l’ombre, l’insaisissable Oméga semblait tirer le moindre fil narratif.
Aujourd’hui sort enfin, sous forme d’intégrale, la suite et fin de ce pur chef-d’œuvre : les histoires reprennent, s’entremêlent, échafaudent peu à peu un hyper-roman d’une portée inouïe. Nous embarquerons à nouveau à bord du Googol, ce navire ultra sophistiqué commandé par l’Institut, un nébuleux service d’espionnage. Une chasse aux pirates maniant des sabres laser, une secte proposant à ses membres des façons toujours plus innovantes de se tuer, de complexes manipulations politiques, des fulgurances philosophiques, des revirements ébouriffants, de la poésie, du cul… Et cet énigmatique jardin qui s’annonce comme la clef de voûte de l’œuvre. L’imaginaire est sans limite, l’intrication des récits constante, la virtuosité vertigineuse, l’humour omniprésent. Et à chaque instant, le dénouement se dérobe quand il semble à portée. Au lecteur d’accepter d’être malmené, éprouvé, consterné parfois, tant Palol s’amuse à nous égarer dans son dédale dément.