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La trilogie du rempart sud, 1, Annihilation

Jeff VanderMeer

Au Diable Vauvert

  • Conseillé par
    13 avril 2016

    Les romans de Jeff VanderMeer sont difficiles d’accès. Délicat de ne pas se casser les dents sur « La cité des saints et des fous », le récit étant construit à l’envers et l’histoire foisonnant sur quelques 600 pages. Avec sa trilogie du Rempart Sud, j’ai voulu redonner une chance à l’auteur, surtout que les trois tomes sont assez courts et que le pitch est très accrocheur. Une région interdite d’accès qui rend les gens fous et dont on ne sait rien, à part qu’elle vous change à jamais. Voilà de quoi attirer l’attention ! Pari gagné pour ce premier tome ? Pas totalement. Si « Annihilation » est un roman prenant au suspense constant, il est aussi parfois nébuleux et nous laisse bien souvent dans le flou le plus total. A trop jouer sur le mystère, l’auteur finit par nous perdre complètement et on comprend l’action par bribes, même en faisant un effort de concentration.

    La particularité du récit, c’est de mettre au cœur de son intrigue une héroïne dont on ne connait pas même le nom. La biologiste, le quatrième membre de l’expédition envoyée dans la zone X, voilà comment on se réfère à elle. Les trois autres sont ainsi nommées : la psychologue, la géomètre et l’anthropologue. Quatre femmes aux compétences bien définies, quatre femmes parachutées dans une région sauvage et dont la mission tournera vite au fiasco. Cette manière de garder anonyme l’identité de ces femmes renforce la sensation de bizarrerie et de distance qui se dégage du roman. Comme si les personnages n’avaient pas grande importance mais que seule comptait la zone X. Et c’est bien le cas.

    Le mystère entourant cette zone à la faune et la flore improbable et luxuriante est rendue avec une abondance de couleurs et de sensations, à tel point que l’on s’y croirait. On sent la moiteur du lichen, les graminées s’envoler et la vie pulser à chaque pas de la biologiste. Les descriptions sont particulièrement précises et appréciables lorsqu’il s’agit de se projeter au cœur de cette région sauvage. L’angoisse qui accompagne les invraisemblances de ce lieu concourt à nous interroger sur la véritable nature de la zone X. De fait, on se demande si c’est l’imagination de la biologiste qui lui joue des tours, si elle a été contaminé et de ce fait, hallucine ou si tout ça est bien réel et dépasse l’entendement. Le suspense, à ce niveau-là, est bien mené, car on ne sait jamais sur quel pied danser.

    Peu à peu, en en apprenant plus sur le passé de la biologiste, sur son couple, sur sa personnalité, on perd de vue l’intérêt même du récit. A savoir, l’aspect fantastique du roman. Bien que les souvenirs qui remontent à la surface soient en lien direct avec ses déambulations dans la zone X, la narration se fait plus confuse. On ne comprend pas toujours bien ce qu’il se passe. Bien que je sois persuadée que ce soit voulu, ça reste extrêmement frustrant pour le lecteur qui aimerait en savoir plus ! La plume recherchée de l’auteur est une épée à double tranchant. Si parfois on s’arrête sur une dénomination, une spécificité de la flore, un peu perplexe, elle apporte aussi une belle profondeur au récit. Côté traduction, rien à redire. Surtout que certains passages n’ont pas dû être évidents à adapter. En bref, un premier tome mystérieux et troublant mais qui aurait gagné à être un peu plus clair. Curieuse de connaitre le fin mot de l’histoire, en tout cas !