L'Image d'un Dieu souffrant

Les images de la croix et celles de la crucifixion ne se sont pas développées simultanément. Les premières sont présentes dès les origines du christianisme. En revanche, les représentations du crucifix et, a fortiori, celles de la crucifixion, n'apparaissent que plusieurs siècles plus tard, signe d'une résistance à montrer l'homme humilié dans l'évocation du Fils de Dieu : on peut parler là d'une discrétion des huit premiers siècles. La soudaine abondance de la production carolingienne est un premier objet d'étonnement, auquel s'ajoute l'apparition du Christ mort (yeux fermés, tête penchée, corps affaissé). L'innovation est d'une importance considérable car elle traduit une nette évolution de la pensée religieuse et du langage artistique chargé de la transmettre. En réunissant autour du Crucifié un certain nombre de figures particulières, les artistes du IXe siècle ont réussi à démontrer que le Christ reste vivant au-delà de la mort, que son oeuvre se poursuit dans le présent et qu'elle se projette dans un futur qui est celui de la fin des temps. Ainsi, avec l'image carolingienne du crucifiement, la croix acquiert une histoire et cette histoire se confond avec celle de l'humanité : cette vision nouvelle tranche fondamentalement avec les représentations intemporelles de la croix figurées lors des siècles antérieurs elle annonce l'art médiéval et n'est pas étrangère aux images de Jugements derniers des portails gothiques. Dans la première partie de l'ouvrage, l'auteur procède à l'examen de la croix telle qu'on la rencontre dans le mobilier religieux dans la seconde, il analyse une quarantaine de crucifixions de l'époque carolingienne. Une soixantaine de reproductions aident le lecteur à découvrir des oeuvres parfois peu connues, et à prendre la mesure du pouvoir créateur des artistes carolingiens.