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Le Plongeur

Stéphane Larue

Points

  • Conseillé par (Libraire)
    30 novembre 2020

    Dans la dèche à Montréal

    L'addiction au jeu, la dure, la vraie. Cette perte de soi qui fait jouer l'argent du loyer, de la famille, des amis, dans des machines à sous de rades paumés. C'est pour tenter d'enrayer cette spirale infernale de mensonges et de luttes vaines que le narrateur de ce puissant roman d'apprentissage, alors jeune étudiant en graphisme à Montréal, va s'engager à faire la plonge dans un grand restaurant.

    " J'ai misé mon dernier jeton, prédisant l'égalité. J'ai pensé, dans un sursaut abject de mon cerveau délirant, que j'allais me refaire d'un seul coup. C'est le côté joueur qui a gagné. Le croupier a ramassé mon jeton. J'ai cédé ma place à un autre joueur et j'ai erré sans but, les jambes broyées, dans les salles de jeu, à regarder les autres gagner, accumuler des jetons. Je n'arrivais pas à former une seule pensée. Je n'aurais pas su dire comment je m'appelais. J'allais dans le casino, anéanti. J'étais en mouvement, mais à l'intérieur de moi il n'y avait rien, ni sensation ni langage, un abîme de nuit et de vide. "

    Sous la protection de Bébert, un cuistot à l'appétit de vivre herculéen, brûlant sa vie entre des heures sup et des fin de soirées interminables, le narrateur va tenter de s'intégrer à ce nouveau monde et de survivre en se tenant éloigné de la tentation grisante d'effacer ses dettes sur un coup de dés.

    On pense inévitablement au Joueur de Dostoievski dans cette danse au bord de l'abîme, mais aussi au Orwell de Dans la dèche à Paris et à Londres pour ses descriptions cauchemardesques et néanmoins réalistes du fonctionnement d'une cuisine et des équipes qui y naviguent.

    Le Plongeur débarque en France en janvier 2019, précédé d'un nombre de prix faramineux et d'un immense succès en librairie au Québec. Je ne peux que recommander la lecture de ce roman d'apprentissage sombre au rythme haletant et aux dialogues crus et savoureux.

    Martin

    " Dans la cage d'escalier résonnaient déjà les bruits du premier service. C'est une rumeur que j'apprendrais à décoder vite. Portes de four et de frigo qui se referment avec un choc sourd. Ustensiles et porcelaine galvanisée qui s'entrechoquent dans les bacs à vaisselle sale. Ventres de poêlons qui raclent la fonte des ronds de four. Cuisiniers qui se gueulent des temps de cuisson, qui coordonnent les plats chauds et les plats froids. Et derrière, plus lointaine, la clameur de la salle à manger déjà bondée. On a entendu Renaud descendre les premières marches et crier à Bébert de se déniaiser. - Ta gueule, tapette, je suis après faire ta job ! Bébert avait beuglé sa réponse avec tellement de puissance que je me disais que même les clients à l'autre bout du restaurant devaient l'avoir entendu. Mais en fait je comprendrais très tôt que dans la cuisine ça criait, ça gueulait, et les clients n'entendaient jamais rien de ça. "