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Turner et ses ombres

Marie Devois

Cohen & Cohen éditeurs

  • Conseillé par
    29 juin 2017

    Mes deux derniers coups de cœur sont deux polars : Choucroute maudite et Indian Psycho et ce Turner et ses ombres fera désormais partie de cette catégorie, tant je me suis régalé, je n'ai pas pu lâcher ce roman, lisant même au-delà du raisonnable, jusqu'à presque m'endormir dessus. En ce printemps 2017, c'est donc le polar qui sort du lot de mes lectures. Tant mieux, car cela prouve -à ceux qui en doutent encore- que ce genre fourmille de talents et de petites merveilles. Marie Devois, je la connais par deux de ses précédents opus : Gauguin mort ou vif (dans lequel Paul Magnin était déjà présent) et Van Gogh et ses juges, tous deux déjà édités dans cette excellente collection qu'est Art noir chez Cohen&Cohen. Excellente, parce qu'elle allie art et polar et que ça me plaît. Marie Devois, par exemple écrit pas mal de lignes sur Turner dont celles-ci : "Rain, Steam and Speed. En français cela donne Pluie, Vapeur et Vitesse. Le peintre du ciel l'entraîne sur les rails pour une course folle comme il l'a propulsée dans la mer en furie qui cogne contre la jetée de Calais. De quoi était donc façonné cet homme qui possédait la grâce de se jouer en quelques coups de brosse de tout ce qu'il regardait ainsi pour le mettre au monde ? [...] William Turner était le créateur. Le créateur d'un univers caché dans des couleurs qu'il malaxait, mélangeait, jetait sur la toile jusqu'à ce qu'elles y fixent ce que lui seul avait vu." (p.126). Toute cette intrigue tourne autour de la Tate Britain et des toiles de Turner et c'est un pur plaisir que de s'y promener.
    Le roman est diablement maîtrisé et finement écrit, car dès le début, Marie Devois installe un soupçon sur la culpabilité de Paul Magnin dans l'enlèvement de Camille. Mais pourquoi l'aurait-il fait ? Et s'il l'a fait pourquoi vient-il à Londres pour la rechercher ? Des petites phrases a priori anodines sèment le doute en permanence, chacune pouvant être interprétée comme un aveu de la culpabilité de Paul ou comme l'inverse. L'alternance des chapitres "Paul" et des chapitres "Camille" avant que la police londonienne n'entre dans la danse amplifie cet état d'esprit. L'enquête est alors dirigée par John Adams le superintendant de Scotland Yard avec qui Paul avait sympathisé lors d'une semaine de coopération entre les polices française et anglaise. Efficace et pragmatique, il avance, doit aussi enquêter sur les événements mystérieux qui ont lieu dans la Tate Britain, jusqu'à ce qu'un détail lie les deux affaires. Entre alors en jeu une inspectrice, Victoria, électron libre, au langage et à la personnalité hors norme, j'ai tout de suite visualisé Corine Masiero lorsqu'elle endosse l'habit de Capitaine Marleau. Présente en fin d'ouvrage, elle le marque nettement de son empreinte.
    Vous l'aurez compris, j'ai beaucoup aimé et franchement, je conseille vivement la lecture de ce Turner et ses ombres qui allie avec talent et finesse art et polar ainsi que les autres titres de Marie Devois et soyons fous, les titres de la collection Art Noir.