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Conseils de lecture

8,90
Conseillé par (Libraire)
30 novembre 2020

Le bonheur

" Quand mon état s'est amélioré, j'ai pensé à ce qui avait été le plus beau jour dans ma vie. Je ne pensais pas à l'amour, ni à mes pérégrinations à travers le monde. Je ne pensais pas à mes survols nocturnes d'océans, ni à ma sélection en hockey sur glace dans l'équipe Sparta de Prague. Je repartais vers les ruisseaux, les rivières, les étangs et les barrages à poissons ; je me rendais compte que c'était là ce que j'avais vécu de plus beau. "

Aujourd'hui je voudrais vous faire découvrir un trésor. Ce trésor ce sont les deux ouvrages d'Ota Pavel (1930-1973), traduits et publiés en 2017 et 2018 grâce au patient travail des éditions Do, salué par le Prix Mémorable 2017.
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Ota Pavel, né d'un père juif et d'une mère catholique fut avant d'écrire mineur, représentant de commerce, entraîneur au Sparta Prague et journaliste sportif. Enfin un remarquable pêcheur, passion transmise par son fantasque de père, hableur mais aussi figure de courage, et surtout champion de vente d'aspirateurs et de réfrigérateurs Electrolux dans l'entre-deux-guerres.
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Comment j'ai rencontré les poissons est une sorte de chronique familiale où la figure du père domine, dans le cadre bucolique de la campagne tchèque d'avant l'invasion allemande.
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Une tendresse et une joie de vivre communicative émanent de ces pages malgré les épreuves que cette famille et ce pays auront traversées dans l'histoire. Pas de pathos, pas de fausses notes, aucun misérabilisme trop facile.

Rédigé en hôpital psychiatrique, ces nouvelles d'Ota Pavel possèdent l'humour et l'auto-dérision des grands clowns tristes, célébrant notamment les miracles de la nature.

Martin

" Juste avant Noël, papa fut convoqué au camp de concentration.
La vie était déjà plutôt difficile, maman se lamentait qu'elle ne pourrait pas lui donner grand-chose à emporter.
Deux jours avant son départ, papa pelletait la neige devant la maison. Nous devions alors un impôt au Conseil juif, nous attendions une visite de ce Conseil. Une voiture s'arrêta devant la maison, trois messieurs en civil en descendirent et le premier lança aussitôt :
- Regardez ce miracle, un Juif qui travaille.
Et papa :
- Alors que vous, vous vous la coulez douce.
Et le monsieur :
- Qui croyez-vous que nous sommes ?
Papa les examina, il y en avait un qui avait l'air très juif et il dit :
- On dirait tout le Conseil juif réuni.
Le monsieur estima à son tour que c'en était trop, il sortit son insigne et dit :
- Geheime Staatspolizei.
La gestapo donc, se dit papa et il répondit tout haut :
- Alors salut au Kaiser.
Il avait dû plaire aux agents de la gestapo parce que l'un d'eux, un moustachu, dit :
- Vous n'êtes visiblement pas un dégonflé alors venez nous montrer ces fusils et ces mitraillettes que vous cachez chez vous. "


Ou les aventures de nevzorov

L'Arbre vengeur

9,00
Conseillé par (Libraire)
30 novembre 2020

Destinée manifeste

Semion Ivanovitch Nevzorov est un employé de bureau consciencieux dans la Russie tsariste. Parce qu'une vieille tsigane lui a prédit un destin extraordinaire, les convulsions de la révolution russe et un sérieux opportunisme vont lui servir de tremplin pour assurer une réussite sociale aussitôt contrariée par les événements.

Multipliant les identités douteuses ou prestigieuses, comte Nevzorov puis Simon Navzaraki, tour à tour associé d'une salle de jeu clandestine, châtelain d'un domaine ukrainien incendié, comptable d'un ataman (chef de guerre) aux velléités anarchistes, agent du contre-espionnage blanc à Odessa, Nevzorov va vivre en 250 pages mille vies devant un lecteur happé par le tourbillon des événements et la chance insolente de ce trompe-la-mort énergique.

Un excellent roman-feuilleton d'un auteur (1883-1945) inconnu en France car proche du pouvoir soviétique, et qui m'a plongé dans la guerre civile russe sous un angle inédit. Celui d'un ambitieux, caricature du parvenu contre-révolutionnaire dont les tours du destin n'assèchent jamais une soif de réussite insatiable. Où l'on découvre de très belles pages décrivant le microcosme d'une Russie Blanche sûre d'elle-même malgré la déroute, refaisant inlassablement l'Histoire face à aux bolcheviques triomphants pour tromper son désarroi devant l'exil.

Martin


23,00
Conseillé par (Libraire)
30 novembre 2020

Retour dans les Contrées

" J'étais fatigué des livres, de ceux bien trop nombreux que j'avais lus autant que du seul que j'ai écrit et auquel il me semblait avoir sacrifié toute ma jeunesse."

Pas moi. Plus d'an après ma lecture du Veilleur du jour et de Les Barbares et de La Barbarie (regroupés en un volume en Folio sous le titre Un homme plein de misère), je poursuis mon exploration du cycle des Contrées avec la nouveauté des éditions Le Tripode, La Clef des Ombres (réédition revue d'un texte de 1991).

La Clef des Ombres introduit la sous-préfecture de Journelaime, au nord de Terrebre, où Brice Cléton, jeune fonctionnaire archiviste, souffreteux et informe, va se voir confier la mission d'exhumer un dossier sensible. Cette tâche qui entre en résonance avec les transformations politiques de l'empire de Terrebre va entraîner chez lui une mutation aussi bien intellectuelle que physique. Troisième roman du Cycle, l'ouvrage dispose d'une très belle carte des Contrées.

Une pièce de puzzle supplémentaires qui s'insèrent parfaitement dans l'œuvre d'orfèvre, envoûtante et tentaculaire, de Jacques Abeille.

Martin

" Il répète ces mots, non plus en les laissant éclater dans l'air poussiéreux comme s'ils lui échappaient mais, encore que toujours à haute et intelligible voix, avec calme et pondération - presque comme s'il les avait voulus - et, en quelque sorte, pour les scruter et en ressaisir l'intention. Il les reconnaît pour siens - en cela réside leur étrangeté - et dans cette impression encore, tenace et confuse, de répondre à une question instante qu'il porte en lui sans savoir la formuler. "


18,00
Conseillé par (Libraire)
30 novembre 2020

Saisi sur le vif

Il serait vain de présenter ici exhaustivement Roberto Arlt (1900-1942), une des figures majeures de la littérature Argentine avec Borges, Cortazar, etc. J'ai choisi de me plonger dans son œuvre à travers un angle particulier, à savoir un recueil de chroniques littéraires parus dans un quotidien entre 1928 et 1933.

Ce volume est un des trésors du fond éditorial des Éditions Asphalte qui œuvrent à la reconnaissance en France d'auteurs sud-américains, et qui fêtent leurs 10 ans cette année.

Eaux-fortes de Buenos Aires permet de mesurer l'intérêt et le travail de Roberto Arlt autour de l'argot de sa ville, qu'il réinvestira ensuite dans ses œuvres fictionnelles. Buenos Aires et ses habitants deviennent le terrain d'expérimentation de son œuvre. On a rarement vu une telle symbiose et un tel amour entre un écrivain, une ville et ses habitants (ses chroniques étant parfois des réponses aux nombreuses lettres qu'il reçoit), et plus particulièrement les marginaux habituellement délaissés par la littérature.

Si je ne connaissais ni l'homme ni sa biographie, ses chroniques, qui sont autant d'instantanés d'une époque et d'une manière de vivre, démontrent à l'envie un regard affûté et sans illusion sur ses contemporains, son pays et son actualité politique trouble mais aussi sur la littérature en général et son travail d'écrivain en particulier.

Les extraits en commentaires sont issus de la chronique "De l'inutilité des livres" (!) qui est un exemple d'humilité et d'exigence littéraire rare. Elle résonne parfaitement avec ma vision des livres, Arlt y dénonçant brillamment une vision utilitariste du livre en réponse à une lettre.

Martin


17,00
Conseillé par (Libraire)
30 novembre 2020

Le retour du fils prodigue

" Tu n'en as pas assez de passer ta vie à parler les langues des autres ?", lui avait dit son père au moment où Karl se préparait à émigrer de nouveau et à quitter la Grèce pour l'Amérique. Il est vrai que Karl avait toujours été subjugué par la mélodie et les intonations propres à chaque langue. Peut-être était-ce un don inné pour les langues étrangères, quelque chose qui avec le temps était devenu un mode de vie. "

Aujourd'hui je découvre un auteur albanais écrivant en grec, Gazmend Kapllani. Publié par les impeccables Éditions Intervalles qui développent depuis 14 ans un catalogue faisant la part belle aux littératures peu ou pas traduites, notamment celle des Balkans.

Karl et Frederick sont deux frères que tout opposent. Le premier, écrivain cosmopolite qui n'aura de cesse de traverser les langues et les pays après sa fuite de l'Albanie, ressent un sentiment d'étrangeté à revenir dans la ville fictive de Ters (erreur) logé chez ce frère Karl, devenu un nationaliste chauvin après la fuite de son frère en Grèce.

La mort du père, ancien professeur thuriféraire du terrible régime "communiste" d'Enver Hodja, est en effet l'occasion pour le fils prodigue de revenir exorciser les démons du passé.

Derrière l'affrontement silencieux des mémoires, cette confrontation entre Karl et Frederick est une magnifique parabole sur le tiraillement d'un pays, entre modernité et tradition, nationalisme et exil.

Martin