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Librairie N.

Conseillé par (Libraire)
30 novembre 2020

Quel régal que cette satire mordante des rituels familiaux et des hypocrisies sociales ! Un regard singulier et un pied de nez à la littérature narcissique. Intelligent, drôle et grinçant !

Hélène

Avant les ruisseaux et les montagnes

Contre-Allée

8,00
Conseillé par (Libraire)
30 novembre 2020

Bouts de pensée

Il y eu d'abord un titre éblouissant, Élisée, avant les ruisseaux et les montagnes, me faisant signe et signalant que ce premier roman avait à faire avec la jeunesse de l'illustre géographe libertaire de la fin du XIXeme siècle. Le lecteur suivra ainsi (et entre autre) le périple du jeune Élisée à travers ce que des géographes nommeront plus tard la "diagonale du vide", de Sainte-Foy la Grande aux portes du Périgord jusqu'à Neuwied en Allemagne, répondant à la vocation de pasteur que le père veut transmettre.

Ensuite, il y eu cette couverture magnifique, rappelant le travail d'orfèvre des éditions La Contre Allée.

" Dans cette enfance, c'est le moment où, selon les préoccupations paternelles qui sont en fait des prescriptions paternelles, il peut être pasteur, il doit être pasteur. Élisée est encore maintenu dans le chemin que son père choisit ou que son père, Jacques, voudrait bien. Il peut encore marcher sur ça, par là. Par là, c'est assez vague mais, par là, ça commence par l'Allemagne, Neuwied, première étape pour devenir pasteur et reprendre sa part du flambeau : lumière sèche, pointue, ferme et qui dure. "

Enfin, il y a cette écriture, intimiste et ciselée, pour incarner un jeune homme et de sa famille, de Zéline, la mère aux idées éducatives avancées, à Jacques le père pasteur aux sermons bégayants et répétitifs. Puis ce dispositif aphoristique génial des bouts de pensée, déroulant devant nous la construction en mouvement d'une pensée.
Découvrant en 2016 cet exceptionnel premier roman, je l'ai relu récemment avec la même émotion. Un texte magnifique que je vous invite fortement à découvrir.

Martin

"Bouts de pensée : Je sens l'universel et laisse le général aux autres. "

18,50
Conseillé par (Libraire)
30 novembre 2020

Nouveau départ

" Mais maintenant qu'il écoute Considerant avec sa voix tendue, ses gestes qui construisent l'invisible, bâtissent sur du sable des choses dont rien ne dit qu'elles vont tenir, c'est sûr, il va partir. Il n'entend rien de ce que l'on aurait pu lui dire pour le raisonner. "

Au milieu du XIXeme siècle, Victor Considerant, polytechnicien et disciple du philosophe Charles Fourier, parcourt la France afin de recruter des colons pour son grand projet.
Ce sera Réunion, une utopie communautaire inspirée des phalanstères de Fourier, installée près du village de Dallas, au Texas, sur les terres soit-disant vierges et opulentes du Nouveau Monde.

Cinq ans plus tard il ne restera que des ruines de cette belle idée qui devaient révolutionner la manière dont les hommes allaient vivre et travailler ensemble.

Dans ce troisième roman encore une fois minutieusement documenté, Thomas Giraud imagine grâce aux interstices de l'Histoire ce qu'à pu être la vie de ces colons pendant cinq ans.

Il y a bien sûr Victor Considerant, l'inflexible architecte de papier aimant plus que tout son projet, au point de refuser tout espèce d'accommodements malgré les difficultés qui s'amoncellent.
Il y aussi Leroux, le terrien flegmatique et rêveur, pour qui la venue à Réunion est en soi une réussite, ayant pu s'arracher à son héritage atavique de paysan auvergnat.
Mais les personnages principaux chez Thomas Giraud sont les lieux, Réunion, les objets, les éléments, ce sable qui s'insinue partout, et la manière dont les humains interagissent avec.

Ce roman, à la musicalité entêtante, donnant envie de le relire à haute voix pour mieux en percevoir la force, possède aussi la beauté triste des ruines.
Un roman qui, à notre époque où l'horizon politique semble désespérément bouché, interroge le besoin permanent chez l'homme de se réinventer, en allant vivre ailleurs, autrement.

Martin

" Qui n'y serait pas allé à sa place ? Ce n'était pas un besoin, pas même l'évidence, seulement l'ordre des choses, la rondeur du monde qui lui a dit tu iras."

19,00
Conseillé par (Libraire)
30 novembre 2020

A la découpe

" L'histoire qui suit n'est pas celle des victimes africaines de la colonisation. Celle-ci revient à leurs survivants. L'histoire qui suit est celle d'un suicide blanc dans un monde sans Christ ; celle d'un jeune homme oublié dans un labyrinthe de haine et d'aveuglement : l'histoire du démantèlement et de la mutilation de Pierre Claes. "

Rarement un premier roman à paraître fut précédé d'éloges aussi appuyés et de références aussi prestigieuses que Les Saisons de Maurice Pons, Au cœur des Ténèbres de Joseph Conrad ou encore Le Jardin des Supplices d'Octave Mirbeau. Influence que l'on retrouve jusque dans les personnages secondaires qui sont autant de jalons et de clins d'œil posés en notre direction.

Alors que la Conférence de Berlin de 1885 a découpé l'Afrique en lambeaux, Pierre Claes, géomètre belge, se voit confier la mission de fixer la frontière nord du Congo belge, propriété personnelle du roi Leopold II.
Accompagné de l'ancien bourreau Xi Xao pour le seconder, spécialiste en incision et découpe des chairs, il va développer avec lui une relation d'un érotisme vénéneux et progressivement perdre de vue son absurde mission.

C'est avec un art consommé du récit et des personnages solidement campés que Paul Kawzack en véritable surdoué, nous conte la folie d'un homme participant à l'une des plus stupéfiantes entreprises de prédation et d'anéantissement de l'histoire (déjà très chargée) de la colonisation.

Un voyage au bout de la folie, de l'horreur et de l'abjection.

Martin

" Angleterre, France, Belgique, Italie, Portugal, Espagne, Allemagne se lancèrent sans réserve dans la dévoration. Hommes, femmes, plantes, bêtes, terres, eaux, sol, ciel, tout était bon à prendre à cet inconnu luxuriant. Toute une civilisation bourgeoise, mâle et malade, étouffée de production, exsangue d'action, faisandée de rêves en chaque crâne, se dépensa avec érotisme et violence dans un fantasme de terre femelle et primitive, de nouvelle Ève noire à violer dans la nuit blanche, sans relâche, la saignant de toutes ses richesses, bafouant sa tendresse de mère en criant la mort vide à sa face de déesse indolente. "

Vies parallèles

15,00
Conseillé par (Libraire)
30 novembre 2020

La liberté ou la mort !

" Ça faisait déjà deux heures que j'attendais dans la cage en bois avec les deux cents autres esclaves. Le port m'était inconnu avec quelque chose, pourtant, de familier ; je voulus demander le nom de l'île à celui qui se trouvait à côté de moi, mais il semblait avoir perdu connaissance."
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Ainsi débute Merci, un texte étrange et intrigant où le narrateur, esclave instruit, va fomenter une révolte contre son maître Hannibal et se trouver ensuite confronté aux effets catastrophiques de celle-ci.
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" On me choisit tout de suite, car j'étais en bonne santé et que mon aspect, lui, était des plus convenables, selon les dires de mon acheteur, un homme d'une cinquantaine d'années, chauve, sympathique, pas très grand et un peu gros, qui s'appelait Hannibal. "
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Une variation autour de la dialectique maître-esclave d'Hegel qui perturbe grandement notre définition de la liberté et nos habitudes romanesques. Mettant en place un dispositif narratif diablement inclusif, où les débuts de chapitres semblent se répéter inlassablement et où chaque objet, chaque nom propre (Hannibal, Ninive), apparaissent chargés de symboles et d'un sous-texte à analyser, forçant le lecteur à être constamment actif et aux aguets dans un monde insulaire proche mais aux contours flous.
. " Le lendemain, je me réveillai et vis le petit-déjeuner sur la table de nuit."
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Ni roman à thèse sur la liberté ni simple variation exotique et insulaire du réalisme magique sud-américain, Merci est une expérience de lecture dès son titre. . " Plutôt morts qu'esclaves ! "
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Ça peut s'arranger.

Martin

" Il me sembla alors approprié de m'adresser à eux, et je leurs dis la première chose qui me vint à l'esprit : que la voix de la liberté était dans nos cœurs, que la faire crier chaque fois plus fort était notre objectif et que mieux valait être mort qu'être un esclave. Il y eut un silence. Mal à l'aise, je décidai de crier sous forme de slogan la dernière chose que j'avais dite : "Plutôt morts qu'esclaves!" Je le criais une nouvelle fois, tout en regardant Hugo pour qu'il le répète avec moi. Ce qu'il fit, sur quoi un ou deux esclaves nous rejoignirent. Au bout de la cinquième, il y en avait déjà un certain nombre. À la dixième, nous le criions tous, exaltés: "Plutôt morts qu'esclaves !"