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Librairie N.

Max Aub

Héros-Limite

16,00
Conseillé par (Libraire)
30 novembre 2020

Crôa, Crôa !

" Je me propose d'étudier ici une caste primitive, nettement inférieur, que le hasard m'a donné de connaître."

Que donnerait l'analyse de notre humaine condition par un narrateur corbeau doué d'intellect ?

C'est à cette idée pour le moins étrange mais très maligne que Max Aub consacre une fable politique portant sur un camp d'internement, celui du Vernet en Ariège, comme cellule de base de l'organisation de nos sociétés.

Il y dénonce aussi bien la propension de l'être humain à enfermer ses congénères selon des critères ubuesques que l'aveuglement politique qu'y conduit un pays comme la France à construire ledit camp d'internement.

Max Aub, intellectuel socialiste né en France d'une mère française et d'un père allemand obligé de s'exiler en Espagne pendant la Première Guerre Mondiale, aura lui-même connu l'internement.
Fuyant l'Espagne après la chute de la République Espagnole, il sera dénoncé en France par un "corbeau" comme communiste et interné en Ariège dans le camp du Vernet, qui devient ici le sujet d'étude animalier de notre narrateur corvin.

" J'ignore qui a placé ce cahier dans mes bagages. Je n'avais pas de relations personnelles avec Jacobo. Ces pages ont voyagé par le monde, dans de semblables bagages, selon le hasard de mes hasards, et si je les confie aujourd'hui à l'imprimeur c'est uniquement comme curiosité bibliographique et souvenir d'un temps révolu, puisque nul n'ignore que les guerres et les camps de concentration sont terminés. "

Sans commentaire.

Martin

" Je suis un corbeau parfaitement sérieux. Il m'importe grandement de dire les choses comme elles sont et non comme je désirerais qu'elles soient, un mal qu'imposent certain au détriment de tous. Au corbeau ce qui est au corbeau et à la pie ce qui est à la pie. "

Conseillé par (Libraire)
30 novembre 2020

Règlement de comptes

Après une soirée périlleuse et bien arrosée, le narrateur doit reprendre le train pour le port de Londres afin d'embarquer sur un navire en tant que matelot. Il se retrouve alors en cabine avec deux bonnes sœurs et une fillette, l'ironie de leur situation respective l'entraînant dans une longue rêverie hallucinée.

S'adressant directement au lecteur, celui-ci va découvrir au fil des miles les souvenirs et la psyché d'un homme tortueux et malade.

On a peine à croire qu'un texte aussi violent et ambivalent ait pu être publié dans les années 60. Et pourtant.

Sachez tout de suite que cette lecture m'a emballée sur tous les points. Que ce soit l'argot ou la vulgarité du narrateur, (mysogine, anticlérical, etc.) ses digressions alambiquées ou pleines de bon sens sur la vie et la société, sa manière de refaire le monde en se donnant le beau rôle, tout est absolument parfait de justesse dans le ton. Lequel transpire la mauvaise foi et l'auto-justification permanente.

La progression du livre, alternant entre la narration du trajet en train et les souvenirs cuisants du narrateur, (de la veille, de son enfance) est parfaitement maîtrisée pour qu'on ne puisse plus lâcher le bouquin et progresser rapidement.
Jusqu'à l'insoutenable que je ne peux évidemment pas dévoiler mais que l'on pressent assez vite.

Drôle, extrêmement violent, vulgaire -sans que cela soit gratuit- accrocheur par son rythme cadencé et infernal... Un exemple d'humanité abîmée par la solitude et la violence sociale, jusqu'à la folie, qui continuera de me marquer longtemps.

Par l'auteur de Jacqui, publié aux excellentes éditions Tusitala et que je vous recommande également chaudement.

Martin

" Comme je le disais, j'ai toujours été doux et timide comme caractère. M'a fallu plus de dix ans pour apprendre à être coriace. Même quand j'avais le dessus dans une bagarre, je pouvais jamais me décider à finir le boulot. Ce qui faut faire, c'est défoncer le portrait de l'autre jusqu'à ce qu'il puisse plus se relever, mais, moi, je les laissais toujours se remettre debout. C'est con, vous me direz. En guise de remerciements, le môme est pas plus tôt sur ses pattes qu'il vous file un coquard. Les gens méritent pas qu'on leur fasse une fleur, faut être vache avec eux. "

Conseillé par (Libraire)
30 novembre 2020

La course ou la vie

" Vous allez peut-être trouver que des coureurs de fond dans une maison de correction, on voit pas ça tous les jours, parce que la première chose que ferait un coureur de fond lâché au beau milieu des champs et des bois, ça serait de foutre le camp aussi vite que lui permettrait une bonne ventrée de ragoût "fait maison de correction", mais vous avez tort, et je vais vous dire pourquoi. "

Le jeune Smith s'est fait pincer après avoir tiré le coffre d'une boulangerie. Conduit en maison de correction dans l'Essex, son directeur décide de l'entraîner comme coureur de fond en vue d'une course prestigieuse qu'il souhaite remporter.

Réinsertion par le sport ? Pas vraiment selon Smith, qui n'aime ni la discipline de ces sports inventés par ces gras du bide de "pour-la-loi", ni être traité comme un cheval de course.
Son long monologue intérieur, qu'il a développé pendant ses entraînements en solitaire, va être l'occasion pour lui de nous détailler son parcours et les raisons qu'il a de mûrir une éclatante revanche.

Comme pour son premier roman Samedi soir, dimanche matin dont j'ai parlé précédemment, nous voici en présence d'un chef-d'œuvre du réalisme social du courant des "Angry young men". Son talent se fait ici plus étincelant par la concision qu'il déploie dans cette novella de 71 pages où la gouaille et l'humour de Smith sont rehaussés par le lyrisme qu'il investit pour défendre sa vision du monde.

Également adapté au cinéma dans les années 60, nous voici en présence d'un brûlot insurrectionnel et libertaire, un grand hymne à la vie et à l'insoumission contre la pesanteur de l'ordre établi.

Martin

" Quand il me parle et que je le regarde droit dans sa tronche de militaire, je sais que je suis vivant et qu'il est mort. Il est mort et enterré. S'il courait dix mètres, il tomberait raide mort. S'il faisait dix mètres dans mes tripes pour voir ce qui s'y passe il tomberait raide mort aussi, de surprise. Pour le moment, c'est des types morts comme lui qui ont le dessus sur des types comme moi, et je suis presque sûr que ce sera toujours comme ça, mais même si c'est le cas, nom de dieu, je préfère être comme je suis - toujours en cavale et à faire un casse dans des boutiques pour un paquet de sèches et un pot de confiture - plutôt que d'avoir le dessus sur d'autres et d'être mort de la tête aux pieds. Peut-être que dès qu'on a le dessus sur quelqu'un, on meurt. Bon dieu, il m'a fallu courir plusieurs centaines de kilomètres avant de pouvoir écrire cette dernière phrase. J'aurais pas pu la dire avant que j'aurais pu sortir un billet d'un million de livres de ma poche revolver. Mais c'est vrai, vous savez et maintenant que j'y repense, ça a toujours été vrai, ça sera toujours vrai, et j'en suis encore plus sûr chaque fois que je vois le directeur ouvrir cette porte pour dire "bonjour les gars !".

20,00
Conseillé par (Libraire)
30 novembre 2020

Ils ne m'auront pas !

Arthur Seaton est jeune, ouvrier, et vit dans le nord de l'Angleterre. Sa vie se découpe entre des semaines harassantes et sans aucun intérêt à l'usine de bicyclette où il travaille avec son père, et la vraie vie, la belle, qui commence le samedi soir.
Il peut alors se saouler à mort sans remord, jongler entre les femmes, mariées de préférence, et laisser libre cours à sa sensibilité le dimanche lors de longues parties de pêche propices à la rêverie.

Mais dans la société anglaise de l'immédiat après-guerre, les esprits libres et frondeurs tels que le sien ne restent pas impunis bien longtemps et le retour de bâton sera douloureux...

Un roman jouissif par la trajectoire pleine de fureur de vivre d'un jeune révolté au franc-parler et à la gouaille communicatives, en lutte contre une société absurde et bloquée qui tente de lui faire plier l'échine, en vain.

Roman culte adapté au cinéma dès 1960, voici un texte majeur de la fraternité des "Angry young men" qui n'a rien perdu de son potentiel subversif. Du même auteur, on lira ou relira La solitude du coureur de fond dont je parlerai un autre jour.

Martin

" Car c'était un samedi soir, le meilleur moment de la semaine, celui où on s'amuse pour de bon, l'un des cinquante-deux jours de gloire dans la grande roue de l'année qui tourne si lentement, le prologue échevelé d'un morne dimanche. Le samedi soir, les frénésies contenues toute une semaine se déchaînent sans contrainte, vous purgez à grand renfort de libations confraternelles votre individu de l'emprise de toute une semaine de boulot monotone à l'usine. Vous appliquez la formule "le bonheur dans l'alcool", vous pelotez la taille des femmes et sentez la bière se répandre délicieusement dans la masse élastique de vos entrailles. "

nouvelle édition

Waterhouse Keith

Typhon

17,00
Conseillé par (Libraire)
30 novembre 2020

Le prestidigitateur

William Fischer est un jeune homme vif et plein d'entrain dans l'Angleterre des années 50. Vivant encore chez ses parents, employé dans une société de pompes funèbres, il vivote en rongeant son frein. Rêveur, drôle et excessivement sympathique, il ne parle que de Londres où il ira bientôt écrire des sketches pour l'humoriste Dany Boon (le personnage d'humoriste célèbre se prénomme ainsi dans le roman). En attendant il se réfugie dans une intériorité riche et complexe, à l'instar d'Ambroisia, le pays imaginaire dont il est l'artiste-président-dictateur officiel.

Seulement, son imagination n'a d'égale que sa capacité à fabuler et à mystifier son entourage pour sublimer son quotidien d'un ennui sidéral. Empilement de mensonges toujours plus absurdes dont on pressent assez vite qu'ils le conduiront à sa perte.

Ce classique de la littérature populaire anglaise des années 50, adapté en film en 1963, dénonce le conformisme et le désœuvrement à l'œuvre dans les villes de province, loin de Londres et de la modernité, où la jeunesse ploie encore sous la domination de la génération ayant gagné la guerre.

On se laisse facilement happer par l'imagination tortueuse de Billy, son humour absurde et ravageur et la fraîcheur avec laquelle il nous fait le complice de ses élucubrations. Le lecteur en viendrait presque à souhaiter que les cathédrales finement ouvragées que sont ses mensonges ne soient jamais découvert.

Deuxième titre des toutes récentes éditions du Typhon, après Hurry On Down de John Wain, qui s'attachent à rééditer les romans d'auteurs du mouvement dit des "jeunes hommes en colère". Une très belle découverte en littérature étrangère et un catalogue cohérent sans aucune faute de goût.

Martin

" J'avais dit jadis à la mère d'Arthur, dans un moment de désœuvrement, que j'avais une sœur qui s'appelait Sheila.
- Et elle veut aussi envoyer des vieux jouets aux gosses, dit Arthur.
- Toutes contributions seront acceptés avec reconnaissance, dis-je, toujours désinvolte.
Je me demandais pourquoi diable j'avais commencé tout cela. Pendant que je me morfondais à attendre qu'Arthur noue sa cravate dans la maison tranquille, réglée, où il habitait, j'avais marié Sheila à un commis d'un épicier en gros qui s'appelait Éric. Éric, prospérant, avait maintenant trois boutique à lui, deux à Leeds et une à Bradford. Comme la conversation traînait entre moi et la mère d'Arthur, j'avais donné à Éric et à Sheila deux enfants ; Norma, qui avait maintenant trois ans, et Michael, un an et demi. "